Chaque fois que Didier Awadi annonce un nouveau projet, une interrogation pointe aussitôt : de quelles lames tranchantes équipera-t-il ses mots pour défendre, avec cette fougue qu’on lui connait depuis ses débuts, ses idées panafricanistes et anticolonialistes ? Car la question n’est pas de savoir jusqu’où le rappeur néo-quinquagénaire est prêt à aller mais à travers quels prismes.

Il y a quelques mois, on en avait eu un aperçu : « Tu t’indignes, parce que Poutine envahit l’Ukraine […] Tu vois le drame à ta porte, tu peux pas rester zen. Car ils sont comme toi, le même sang qui coule dans les veines […] Tu n’as pas bronché pour la Libye. Pour voler le pétrole et tout le gaz, t’as trouvé l’alibi. J’ai vu l’Otan criminelle complice de Sarkozy », relevait-il dans Géométrie variable, premier extrait de ce nouvel album Quand on refuse, on dit non, titre emprunté à l’ultime ouvrage inachevé de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma (lauréat du prix Renaudot en 2000 avec Allah n’est pas obligé).
Pour souligner son propos, Didier Awadi se sert aussi des images. Déjà dans le clip de «L’Impertinent», sur le précédent album Made in Africa en 2018, il s’était imaginé menotté, amené devant une cour pour se défendre – et y faire souffler le vent de la révolte. Cette fois, pour la chanson qui donne son nom à l’album, il va jusqu’à renverser les rôles entre Africains et Européens dans une mise en scène de l’esclavage, avec des fouets, des chaines et du sang.
L’artiste, héritier de la pensée de Thomas Sankara et souvent coiffé d’un béret orné d’une étoile à la façon de Che Guevara, puise aussi dans le patrimoine. En introduction, un extrait du discours du leader ghanéen Kwame Nkrumah datant de 1958 invitant les États d’Afrique à s’unir, puis c’est la mélodie de Doni Doni, un classique du Bembeya Jazz National de Guinée qui se fait entendre.

Depuis deux saisons en effet, il reçoit ceux qui ont marqué par le passé la musique de son pays et du continent et adapte un ou deux titres phares de leur répertoire avec son propre groupe. Le travail effectué avec ses musiciens et l’osmose entre eux s’entend en particulier sur la reprise live de J’ai pas le temps, glissée en toute fin d’album et qui figurait dans sa version studio sur Ma Révolution en 2013.
Le cofondateur de Positive Black Soul, groupe avec lequel il a démarré dans les années 90, convie aussi à ses côtés sur l’album son ancien complice Duggy T mais également son ainé Baaba Maal, ou encore le rappeur malien Mylmo. L’esprit du hip hop original, avec ses codes, n’a jamais quitté Didier Awadi.
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