Un géant de la musique sénégalaise s’en est allé. Ismaïla Touré, l’un des membres fondateurs du célèbre groupe musical Touré Kunda, est décédé lundi 27 février à l’âge de 73 ans. Son groupe, mythique, a contribué à la renommée de la musique sénégalaise et africaine dans les années 1970-1980.

Le monde de la musique sénégalaise est en deuil avec la disparition d’Ismaïla Touré, fondateur et membre du groupe musical Touré Kunda. C’est sa famille, dans un communiqué, qui a annoncé la triste nouvelle, lundi 27 février : « Ismaïla est décédé ce matin, à l’âge de 73 ans, des suites d’une longue maladie à Paris. »
« Ismaïla Touré était une musicien, un artiste, un père et un ami aimé. Il a laissé une empreinte indélébile dans le monde de la musique et de la culture. Nous sommes fiers de son héritage et de toutes les contributions qu’il a apportées tout au long de sa vie », poursuit la famille de celui qui fonda le groupe Touré Kunda avec son frère aîné, Sixu Tidiane Touré, en 1978.
/De la cordonnerie à la musique

Le groupe est formé des jumeaux Ismaïlia et Sixu Tidiane nés à Zinguinchor en 1949, à 22 jours d’intervalle selon la légende. C’est leur aîné Amadou, premier de la lignée de cordonniers à pratiquer la musique, qui les initie.
En 1975, Ismaïlia débarque le premier à Paris, en éclaireur de ses frères Amadou, Sixu et Ousmane vivant entre le Sénégal et la Mauritanie.
Formé par sa mère à la confection de ses propres tambours, lancé dès son plus jeune âge dans l’animation musicale des mariages et des enterrements, marqué par le djambaadong, cette danse des feuilles pulsant le parcours initiatique des jeunes rentrant dans la vie d’adulte, Ismaïlia mène le parcours classique des frères immigrés venus tenter leur chance dans la capitale française : petits boulots et foyers, froidure et solitude, qui resurgiront ultérieurement dans certaines thématiques du groupe.
Marqué au pays par James Brown, Aretha Franklin, Nina Simone, celui qui est alors inscrit comme étudiant en anglais à la faculté de Vincennes élargit sa palette en écoutant Led Zeppelin comme Georges Moustaki, Georges Brassens autant que Creedence Clearwater.
En 1976, après avoir composé des jingles publicitaires pour les magasins africains de la capitale, Ismaïlia rejoint via une petite annonce publiée dans le quotidien Libération un groupe aussi mythique que culte dans son métissage de sons rock et afro : le West African Cosmos, au sein duquel démarre également Wasis Diop.
Ce coup d’essai transculturel (l’album du groupe est aujourd’hui particulièrement recherché par les collectionneurs) commence à lui ouvrir les oreilles des maisons de disques.
Joies et Drames

Les Frères Eléphants deviennent le groupe phare d’une nouvelle génération d’auditeurs entichés de musiques noires. En 1982, c’est la montée en puissance avec « Turu » qui impose le concept de la famille éléphant et enflamme un auditoire de plus en plus nombreux.
Mais en 1983, un terrible drame endeuille le groupe, les Touré perdent Amadou qui décède d’un arrêt cardiaque lors d’un concert. Un hommage est organisé et un album « Amadou Tilo » lui est dédié.
Un duo rassembleur
Le grand public commence à suivre le sillage de cette famille élargie à d’autres musiciens africains et antillais, parfois même à des invités surprises tel Manu Dibango, et dont le brassage musical couvre désormais aussi bien le reggae que le rythm’n’blues. A
Le live « Paris-Ziguinchor » qui s’écoule à plus de 200.000 exemplaires les impose sur les nouvelles radios libres. Le clip « Labrador », tiré de « Casamance au Clair de Lune » (1984) leur ouvre les portes de la télévision française.
Le sommet des chefs d’État africains est organisé en 1983 à Vittel, et certains tombent la veste durant un de leur concert. Les Antilles les adoubent. L’Afrique les redécouvre à l’issue d’une éprouvante et sacrificielle tournée au long cours dont ils mettront quatre années à rembourser l’investissement. Mais tourner en Afrique est cependant un rêve pour eux.
Touré Kunda devient un groupe prescripteur, qui ouvre la voie et les portes des maisons de disques à de nombreuses vedettes de la diaspora tels Mory Kante ou Youssou N’Dour. En 1985, 20.000 personnes leur font la fête à l’espace Balard en banlieue parisienne et quelque 200.000 personnes assistent à leur tour de France pendant que le producteur magicien Bill Laswell distille dans leur album « Natalia » des épices technologiques qui élargissent encore un peu plus le spectre des musiques du monde.

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