La structure d’accueil pour les femmes agressées par leur mari a ouvert en juillet dernier à Petit Mbao, dans la banlieue de la capitale sénégalaise. Et croule déjà sous les demandes.
Cette maison d’accueil réservée aux femmes victimes de violences conjugales et domestiques a ouvert ses portes en juillet dernier. Le centre s’est installé dans une rue calme de Petit Mbao, à une vingtaine de kilomètres de Dakar.
Une dizaine de femmes résident à temps plein dans cette demeure agréable et fraîchement rénovée où, hormis le directeur et le gardien, les seuls individus de sexe masculin sont des enfants des résidentes.
La professeure Béatrice Yolande Badiane, formatrice en estime personnelle, se rend plusieurs fois par semaine dans ce refuge, où elle recueille la parole des résidentes.
« Beaucoup assimilent encore l’émancipation des femmes à de la perversion, sans comprendre que ce pays a besoin des femmes pour se développer, regrette cette spécialiste des questions de parité. »
Une pensionnaire se confie : « Si je suis venue ici, c’est d’abord parce que je me suis sentie soutenue et écoutée. En tant que femme, on nous apprend à être obéissante, mais nous avons nous aussi le droit à la liberté. »
Selon une étude de la Banque mondiale réalisée en 2013, trois femmes sénégalaises sur cinq ont été victimes de violences conjugales. Au Sénégal, le soutoura (la discrétion, la pudeur) et le mugn (le fait d’endurer la douleur avec patience) figurent parmi les principales qualités que l’on attend d’une femme.
« Ici, la pesanteur sociale est très forte : quoi qu’elles subissent, les femmes n’osent pas prendre la parole », remarque Thierno Diouf, le directeur du centre. Toutes les femmes qu’il recueille ont été victimes de violences psychologiques, physiques ou sexuelles dans leur cellule familiale, de viols conjugaux ou d’inceste, parfois pendant des années.
Le nouveau responsable ne cache pas son inquiétude. « Nous avons ouvert il y a trois mois seulement et nous recevons des demandes tous les jours. Lorsqu’elles arrivent chez nous, la plupart de ces femmes sont dans un état psychologique désastreux », déplore Thierno Diouf.
À l’origine du centre, la petite-fille d’Abdou Diouf
Le centre n’est pas seulement un lieu d’accueil, et ses résidentes n’ont pas vocation à y rester longtemps. Dès leur arrivée, elles sont suivies par des infirmières et plusieurs psychologues, et reçoivent différents types de formations (alphabétisation, esthétique, numérique…) adaptées à leurs besoins.
Kayam travaille main dans la main avec l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO, organisme public chargé de la protection des enfants) et le Samu social, qui lui envoie certaines résidentes. Il fournit également un accompagnement juridique aux femmes qui en ont besoin, avec l’aide de l’Association des juristes sénégalaises (AJS), l’une des principales associations féministes du pays.
Les autres services d’accueil de la capitale, surchargés, font également appel à Kayam lorsqu’ils sont saturés. La maison de Petit Mbao reçoit même des jeunes filles délinquantes qui n’ont plus de place dans les centres de redressement de Dakar.
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