A l’occasion du Forum mondial de l’eau qui se tient à Dakar, la petite entreprise Filtre Plante présentait avec le HCR un projet d’assainissement par phyto-épuration de plusieurs camps de réfugiés au Sahel. Ce procédé écologique est appliqué depuis peu sur la corniche de Dakar où des plants de papyrus se nourrissent des eaux sales pour les rendre à nouveau utilisables. Une première en Afrique de l’Ouest.
« Une bonne partie des eaux usées de Dakar se déversent dans la mer. Mes enfants ne se baignent pas à Dakar, c’est clair ! », s’exclame le patron de Filtre Plante, Michael Orange, créée en 2020. « Les pathogènes sont éliminés à 99% mais cela suffit pour qu’ils se démultiplient à nouveau ». Quant à son utilisation pour l’arrosage d’un jardin potager, elle divise encore les scientifiques. « La réalité, c’est que l’eau qui ressort du filtre planté est bien meilleure que celle utilisée pour le maraîchage au Sénégal », balaye-t-il.
Quoi qu’il en soit, l’eau traitée et récupérée n’est pas tout à fait celle qui a coulé du robinet domestique, le recyclage de l’eau n’est donc pas parfaitement abouti. Autre limite, seule une toute petite partie du débit d’eau est pompée pour le traitement. Ceci dit, la phyto-épuration présente d’indéniables avantages. C’est d’abord un procédé basique, économe qui demande un peu d’électricité solaire et écologique.
« C’est la solution parfaite pour les pays du Sud », affirme Michael Orange, qui met d’abord en avant le gain de place réalisé : « Avec la chaleur, les bactéries se multiplient et leur concentration permet une action plus intense sur un plus petit périmètre. En gros, il faut trois fois moins d’espace au sol pour la même quantité d’eau usée. Et l’espace est souvent la contrainte majeure du développement d’un projet phyto. »
Dans les écoles par exemple, qui pourraient raccorder leur fosse septique à un bassin de filtres végétaux. Le climat est aussi un atout, argue encore le promoteur du concept : un projet phyto est fonctionnel toute l’année quand les plantes de meurent pas de froid. Il permet aussi une plus grande variété de plantes. Enfin, le filtre planté ne requiert pas un personnel de maintenance qualifié et nombreux.
Le filtre planté semble promis à un bel avenir au Sénégal et peut-être au-delà. Deux projets à caractère humanitaire sont déjà bien entamés. Le premier, à l’initiative l’Association pour le sourire d’un enfant, devrait être mis en place à la grande prison du pays, située à Thiès, où les débordements de sanitaires sont un problème du quotidien pour les détenus.
Le deuxième sera expérimenté dans plusieurs camps de réfugiés au Burkina Faso, au Niger et au Tchad. « La gestion des eaux usées est un enjeu critique dans l’ensemble des camps de réfugiés, explique Pierre-Yves Rochat, conseiller Eau, hygiène et assainissement au HCR qui collabore des filtres à Michael Orange. Elles proviennent des latrines et des douches familiales ou communautaires et s’accumulent à l’intérieur de fosses qui nécessitent des services de vidange fréquents et coûteux. »
Les débordements génèrent aussi une pollution des sols et des risques pour la santé déjà fragile des exilés. Le filtre planté aura là un double sens : l’assainissement et le reboisement, qui permet, entre autre vertus, de rendre les températures plus supportables.
A LIRE AUSSI : Clarisse Kaboré, la transformatrice de céréales qui aide les femmes burkinabés
Commentaires