Si vous êtes fan de cinéma africain, vous allez surement adorer Le prix du pardon de Mansour Sora Wade. Paru en 2002, le film est une adaptation du roman éponyme de Mbissane Ngom, et lauréat la même année, du Prix du public lors du Festival de Fribourg.
Découvrez dans cet article une analyse du film.
1. La trame dramatique du film
Le village de pêcheurs est recouvert d’un étrange brouillard depuis des lustres. Aucune prière, aucun sacrifice n’arrête cette malédiction. Mbanick, le fils du marabout mourant, ose défier les esprits et rend le soleil au village. Mbanick peut alors déclarer son amour à Maxoy. Yatma, son meilleur ami et son rival, fou de douleur, ira jusqu’au meurtre. Pour lui, une autre malédiction commence. Tel est le résumé du premier long métrage du réalisateur Mansour Sora Wade qui mélange tribalité et symbolisme.
2. Décors et musique singuliers
Dans ce film, les décors ne sont pas nombreux, la mer étant le principal horizon. Plutôt que par des mots, les sentiments s’expriment par des regards, reflétant ainsi la « pudeur » des personnages. Les habits sont de couleur unie et les lumières tamisées. Les scènes alternant entre les tams-tams, la forte musique de Wasis Diop et un instrumental assez effrayant, sont très percutantes et créent parfois un effet de transe. Elles restent sensuelles tout en ayant un côté sinistre. Les danses et les jeux de corps sont extatiques.
3. L’altérité, omniprésente dans le film
Le film s’articule principalement autour d’une altérité. Cette notion renvoie au contraste dont ont été l’objet l’évolution du personnage de Yatma et de Maxoy. Le réalisateur a voulu montrer dans cette histoire « que les caractères ne sont pas posés, ni déterminés une fois pour toute ». Et ceci nous prouve encore une fois la complexité des êtres humains. Maxoy, interprétée par la magnifique Rokhaya Niang, haïssait Yatma au début de leur union. Elle lui en voulait de lui avoir ôté l’amour de sa vie. Son unique plan était la vengeance qui se manifestait essentiellement par le fait de le séduire et se refuser par la suite de se donner à lui. Mais au fil du temps, elle a appris à le pardonner et à l’aimer. On passe ainsi de la haine à l’amour, de la compréhension à la vengeance.
Le fait que le film mette en scène cette transformation entraine une fixation dans le temps et par conséquent un départ et une fin qui sont liés par la progression du personnage. Toutefois, nous observons la remise en question de l’objectivité du temps et la modification de ce dernier dans le film puisque Yatma meurt à la fin. En effet si Maxoy a pu pardonner, ce n’est pas le cas des esprits de Mbanick, sacralisés par la mer dans le film. Celle-ci, occupant une place centrale dans la culture Lébou.
Malgré la confusion qui résulte des diverses temporalités, l’insistance sur de nombreuses images récurrentes impose un rythme, une structure au film, le rendant ainsi fluide.
Ce film permet également de nous interroger sur la dichotomie entre l’amour et l’amitié. Lequel de ces deux sentiments devrait primer ? Pour le cas de Mbanick il semblerait que c’est l’amitié puisque même mort il n’a pas su pardonner la trahison faite par son meilleur ami. Paradoxalement, pour le cas du personnage de Maxoy, nous sommes tentés de dire que c’est l’amour puisqu’elle a su abandonner son idée de vengeance. Et invraisemblablement, Yatma, « le traitre » a été rongé par les remords jusqu’à la fin du film. Il sera donc difficile de trancher pour lui. Ce qui nous laisse un goût d’inachevé, d’où tout le charme du film.
Regardez le ici et jugez en par vous-mêmes :
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