Seize ans après sa mort, le génie d’Ali Farka Touré revient hanter nos platines avec Voyageur, un album posthume de neuf titres inédits, choisis par Vieux Farka Touré (son fils) et son producteur Nick Gold, avec la participation d’Afel Bocum, Oumou Sangaré ou Pee Wee Ellis. Jamais l’icône malienne n’a semblé aussi vivant…
Sa figure joviale s’est transformée en statue qui veille sur le quartier de Lafiabougou à Bamako. Ali n‘est plus, mais sa musique voyage toujours au-delà des sables, et surtout au-delà des époques, des modes et des générations. Ali est comme le Niger, son fleuve chéri : légendaire, incontournable, secret, à la fois immuable et pourtant toujours en mouvement, comme si sa source était inépuisable…
Depuis, 10 Songs from The Legendary Singer Ali Farka Touré, premier disque de Farka Touré chez World Circuit, Nick et Ali avaient tissé des liens puissants, qui allaient au-delà des relations de travail. Aujourd’hui, Nick Gold est devenu l’archiviste de l’œuvre d’Ali Farka Touré, une icône pour des musiciens de styles variés, et même d’acteurs comme Reda Kateb, Sara Giraudeau ou Matthew McConaughey, qui fredonne un air d’Ali dans Le Loup de Wall Street.
Voyageur

Les neufs titres sont issus de décennies de sessions studio. On y entend parfois l’impromptu de la vie : des cris de techniciens ou d’amis de passage en studio à la fin d’un morceau, une prière, ou encore la puissante voix d’Oumou Sangaré qui teste son micro en improvisant les louanges d’Ali Farka Touré.
Les deux grandes voix du Mali n’avaient jamais enregistré ensemble, avant cette session exceptionnelle organisée par Nick Gold à Londres, qui donne trois titres inédits à cet album, dont le sublime Chérie.
Tout ce matériel sonore brut que Gold gardait précieusement, pour le partager avec les proches de feu Mr le Maire de Niafunké, est donc devenu un album brut, sur lesquels ont simplement été ajoutés quelques chœurs et riffs de cuivres de Pee Wee Ellis, l’ex-saxophoniste de James Brown, avec qui Ali Farka Touré avait travaillé.
Le titre de l’album, Voyageur, rend en hommage aux différents périples de cet artiste hors normes, qui fut à la fois agriculteur, sorcier, archiviste, pacificateur, chauffeur, pilote de pirogue-ambulance, ingénieur du son de la radio du Mali et mille autres choses encore.
La musique au pouvoir unificateur

Car bien avant de devenir une star en tournée internationale, avec son monocorde fétiche, le njerkel, l’instrument des dieux qui peut émouvoir les génies, ou sa guitare, Ali Farka Touré était un routard au sens noble du terme.
Le voyage nourrissait son œuvre parce qu’il avait avalé des paysages et des sourires, respiré la poussière des pistes, négocié des riz gras aux vendeurs ambulants, roulé dans des flaques et des giclées de boue pour aller à la rencontre du Mali, avec son magnétophone, de la radio nationale, comme un Alan Lomax de la boucle du Niger.
De retour chez lui, Ali écoutait le monde depuis la banlieue de Timbuktu, qu’il appelait lui-même le centre de l’univers, et en faisait des cassettes et des chansons inusables.
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