Arrestations arbitraires et systématiques, agressions verbales racistes sur les médias et les réseaux sociaux, menaces d’expulsion : la situation devient invivable pour les migrants subsahariens présents en Tunisie. C’est le chef de l’État, en personne, le président Kaïs Saïed qui a franchi un dangereux cap dans la montée des discriminations dans ce pays lors d’une réunion du Conseil de sécurité nationale.
Kaïs Saïed a tenu un discours extrêmement violent sur l’arrivée de hordes des migrants clandestins, dont la présence en Tunisie est selon lui source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables », insistant sur « la nécessité de mettre rapidement fin » à cette immigration. Il a en outre soutenu que cette immigration clandestine relevait d’une « entreprise criminelle ourdie à l’orée de ce siècle pour changer la composition démographique de la Tunisie », afin de la transformer en un pays « africain seulement » et estomper son caractère « arabo-musulman ».
Cette charge de Kaïs Saïed a provoqué un tollé général. Au-delà de l’émotion qu’elle suscite, comment comprendre cette charge violente contre les Subsahariens ? Cette montée des discriminations trouve son origine dans le fait que, la Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 km de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, en grande partie des Africains subsahariens, vers l’Italie.
La Tunisie, un pays de quelques 12 millions d’habitants, compte plus de 21 000 Africains subsahariens, en majorité en situation irrégulière. Mais il serait trop simple d’expliquer les faits actuels par ce seul facteur, car dans la réalité les migrants subsahariens qui transitent par la Tunisie sont aussi nombreux que les Tunisiens désœuvrés prêts à tout pour embarquer dans ces barques et quitter leur pays. D’après, des chiffres officiels italiens, plus de 32 000 migrants, dont 18 000 Tunisiens, sont arrivés clandestinement en Italie en provenance de Tunisie en 2022.
Et dire qu’en plus d’avoir aboli l’esclavage dès 1846, avant la France, la Tunisie avait fini par étoffer, en 2018, son corpus législatif en adoptant un texte visant à criminaliser les actes, propos et discriminations racistes confortant ainsi sa position de précurseur maghrébin en matière de droits humains.
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